« Parlez à vos enfants, dites-leur d’où ils viennent, dites-leur que chaque destin porte son courage, ses blessures et sa noblesse. Dites-leur que nous sommes tous plus ou moins cabossés, que personne n’est véritablement un champion, même celui qui reçoit la médaille, le prix, le vote, personne n’est sans lutte ni égarement, tout le monde doute et vacille, tout le monde un jour ou l’autre danse sur un pied, perd l’équilibre, tout le monde à un moment de sa vie lève les yeux vers les hauteurs et a le vertige, et tangue et se rattrape aux branches, aux convictions, aux appels des sirènes parfois, aux faux prophètes et aux vrais sages. Et puis de temps en temps, aussi, se fait confiance, écoute ses propres murmures, ses intuitions et ses désirs inattendus. Et se lance corps et âme dans l’aventure d’une vie. (…)
Dites-leur de ne pas avoir peur. Dites-leur que la contradiction et le revirement ne sont pas des erreurs, que l’hésitation n’est pas un échec, et qu’il faut de tout pour faire un monde, des solitaires et des chefs de bandes, des meneurs et des rêveurs, des réfractaires et des enthousiastes, des aquoibonistes et des perfectionnistes, des contemplatifs, des hypersensibles, et des hommes et des femmes d’action, des marathoniens et des amoureux de la lenteur.
Dites-leur que vous les aimez. »
Véronique Olmi, Chronique, in La Croix, 9 mai 2022